Hearst n’est pas le « village gaulois de l’Ontario » pour rien
On ne surnomme pas Hearst « village gaulois de l’Ontario » pour rien. Ici, la population est à 87 % francophone. Et dans cette communauté de 5000 résidants, on trouve une université, un journal, une radio communautaire et une quantité étonnante d’entrepreneurs. Ça donne un endroit dynamique et pas peu fier !
Par contre, si vous passez dans le secteur commercial sans parler à personne, vous aurez l’impression d’être dans une communauté anglophone : tout l’affichage y est en anglais. C’est sûrement un reflet de son passé : même si elle très francophone aujourd’hui, Hearst ne l’a pas été dans ses premières années.
Née il y a un peu plus de 100 ans, la localité qui s’est profilée autour de la gare a pris le nom de sir William Hearst, le premier ministre de l’époque, et a attiré surtout des immigrants en provenance de l’Europe de l’est et de la Scandinavie…
En fait, Hearst est pour le moins originale. Dans sa courte histoire, elle s’est métamorphosée. 1939 : elle devient le siège de l’évêché. 1953 : on y fonde un séminaire, qui demeure, à ce jour, la seule université de langue française de l’Ontario. Plutôt que de s’appuyer sur un grand employeur, à l’instar des autres villages du Nord ontarien, elle rassemble d’importants entrepreneurs forestiers dans les années 1940 et 1950.
Chez Selin, vers 1940. Photo : Écomusée de Hearst
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, des familles canadiennes-françaises transforment Hearst en leader dans l’industrie du bois au Canada. Alors qu’ailleurs, de grandes entreprises emploient les francophones, ce sont des familles francophones qui gèrent les scieries, à Hearst (et à Dubreuilville, il faut le dire).
Bien sûr, ici comme ailleurs, l’ouverture de la région à la colonisation a entraîné une demande de bois de construction. De premiers moulins apparaissent dès que les chemins de fer National Transcontinental et Algoma Central se croisent, en 1913-1914. Il faudra toutefois attendre les années 1930 pour que la production locale soit vendue dans des marchés extérieurs : les Fontaine et les Lecours établissent alors de premières activités commerciales à plus grande échelle.
Puis, dans les années 1940, les Gosselin arrivent de l’Abitibi et achètent des installations existantes. Les Levesque et les Selin (une famille d’origine suédoise) se lancent à leur tour. Ces familles vont s’illustrer en innovant et se déployant dans les années 1950 et 1960, une période de mécanisation dans l’industrie forestière.
Puis, dans les années 1980 et 1990, de nombreuses transactions viennent réduire passablement le nombre de scieries et d’usines familiales. Lecours, qui a notamment acheté Gosselin, demeure la seule scierie indépendante, aujourd’hui – même à l’échelle provinciale. Quelques compagnies canadiennes et américaines ont pris le flambeau : Tembec, Columbia…
Hearst n’est pas à une contradiction près : industrielle et universitaire, entrepreneuriale et culturelle, on y pratique abondamment la chasse, la pêche comme on fête les arts de la scène. Rares sont ceux qui n’ont pas de pick-up et qui ne pratiquent pas de sports motorisés. Après tout, le bois, c’est de ça et dans ça qu’on vit depuis 100 ans…